L' Abbaye de Thélème est là où je me trouve
Passants, mangez, buvez, faites l'amour: tout le reste est vanité
À Diodore de Sicile.
"Ne lisez plus les écrits égotico-psychopathologico-sadico-talmudiques de Sir Shumule."
Jérôme X, Lettre à SYL
"J'ai lu ce texte Une Couille dans le Potage: Dazed and Confused au Vésinet et je suis déçu.
Sir Shumule a un faible pour les mondanités."
- Mail de Fabien I. à Soror Jezebel
"Normal: Sir Shumule est un prince."
- Réponse de Soror Jezebel à Fabien I.
Cara Soror Alice,
Do what thou wilt shall be the whole of the Law.
Vous ai-je seulement dit que mon Journal de Détention, jusque là élégamment intitulé Mes Matins sans Chivas, avait été rebaptisé par moi Les Loisirs de Sir Shumule ? – L'idée est de thélémiquement tout voir de l'œil droit et d'irradier de vibrations positives à un degré proprement rastafarien.
Je me ferai mieux comprendre en disant que je ne trouve pas très œil droit le souci que vous vous faites relativement à mes conditions d'incarcération – Chère Sœur, halte au mélo – N'oubliez jamais le shumulisme fondamental: Il y a deux règles pour vivre heureux: la première est de ne pas se préoccuper des soucis mineurs: la seconde est que tous les soucis sont mineurs.
Bien sûr, j'aurais voulu imiter l'ironie des membres de la noblesse qui, sous la Terreur, s'habillaient couleur muraille pour ne pas jurer sur les cachots de la Conciergerie, mais tout a été repeint ici de couleurs vives, dans ce qui semble être une tentative de donner à la Maison d'Arrêt de Moulins-Yzeure l'aspect du Loft de M6 en 2001.
Du reste, quelle importance ? – < Je suis le Seigneur de Thèbes > (AL 3, 37) et l'Abbaye de Thélème est partout où je me trouve – C'est le sens de < Etablis une maison de clercs à ta Kaaba. > (AL 3, 41)
Fort de quoi, en bon alchimiste, ou en bonne marraine de Cendrillon, je transforme mes ténébreuses oubliettes en lumineux centre d'étude herméneutique – On parle du "fanatisme" de mes disciples et c'est exactement comme ça que je vois les choses : substituer progressivement le Livre de la Loi à l'hémisphère gauche de mon cerveau – me faire cyborg, Terminator.
Vous connaissez, chère Alice, cet autre shumulisme fameux : A chaque danger, un personnage jaillit de moi, qui assure – Eh bien ! J'y ajoute solennellement : A chaque dilemme que me propose l'existence incarnée, un verset du Livre de la Loi jaillit, qui assure.
Et, puisque vous m'interrogez sur la bibliomancie, – méthode de divination inséparable de la culture thélémite depuis, au bas mot, le Tiers-Livre (chapitres 10 à 12), – ces considérations me tendent, en fait de jaillissement, une perche qui est un Baobab :
Vous me dites tirer, chaque matin, du Liber AL, un Oracle sur la journée qui commence et avoir curieusement obtenu, quatre fois en moins de deux semaines, le verset 4 du chapitre 2 : < Yet she shall be known & I never. > – Vous me demandez des éclaircissements à ce sujet et cela m'est très redoutable : le Livre de La Loi est la seule chose qui me rende humble.
Mais enfin, chère Sœur, puisqu'il le faut - Voyons :
Le "vieux dieu", serpent de la Connaissance au Jardin des Délices, le Nahash Hadit, notre Maître, enseigne : < Or elle sera connue & moi jamais. > (AL 2, 4)
De prime abord, cela sonne comme quelque chose que le producteur, ignoré du public, à qui Jennifer Lopez doit sa carrière, pourrait déclarer dans un moment de dépit...
Est-ce à dire que les dieux souffrent lorsqu'on manque de reconnaissance à leur égard ? ..
Il me revient d'avoir, autrefois, traité le thème du désir de reconnaissance : j'étais alors Etudiant des Mystères et tentais l'exégèse d'un verset des Livres Saints pour la première fois – Le sort avait voulu que ce fût < Thou Gladiator God > (LLL 6, 17) et, par de ravissants méandres, j'en étais arrivé à cette conclusion : Rien de pire qu'un objet qui veut devenir sujet (le commentaire complet est à lire avec soin dans mon Registre d'EdM, La Panthère des Neiges et les Empreintes qu'elle laissa, Cahier 9, 2002 e.v.)
Bien sûr, je savais déjà que ma nature de prince suscitait une intense amertume chez les lambda – J'ignorais encore qu'être une Rolls-Royce dans un monde de Nissan me vaudrait, de la part de la "conspiration des malvenus contre celui qui va son chemin d'un cœur léger", une peine de trois années d'emprisonnement !
En bref, et bien que cela navre un fan de Scream aussi chevronné que moi, le monde n'est pas un film dans lequel chacun joue un rôle – L'humanité se compose d'acteurs et de spectateurs : rien, jamais, ne fera de spectateurs des acteurs – Alors, ils vous font des procès, comme les badauds se massent autour du tapis rouge.
Chez les dieux, c'est très différent – Tout n'y est conçu que < for beauty's sake and love's > (AL 3, 56) – Comme toutes les âmes-sœurs, Nuit et Hadit ne peuvent exister l'un sans l'autre (NC/AL 1, 1), et si la vie, ici-bas, est tragique, c'est parce que l'incarnation implique le binaire – la séparation – et qu'il appartient aux âmes-sœurs que l'on sépare de faire une fin tragique (cf. AL 1, 29).
Or, Nuit est l'Attribut divin d'Aïn Soph, l'Infini, dont l'Image évidente est le ciel nocturne étoilé, comme il est écrit : < Since I am Infinite Space, and the Infinite Stars thereof > (AL 1, 22) et : < Above, the gemmed azure is the naked splendour of Nuit > (AL 1, 14).
Hadit est l'Attribut divin d' Ipséité, Dieu-en-tant-qu'origine-secrète-de-toute-chose, comme il est écrit: < Khabs is the name of my House > (AL 2, 2) et : < I am Life and the giver of Life > (AL 2, 6).
Nul d'entre nous ne peut, bien sûr, connaître sa propre ipséité, puisque notre ipséité précède nos fonctions cognitives – Hadit est < me in Thee which thou knewest not > (AL 2, 12) – Il demeure caché (AL, 2, 1), au lieu que Nuit est manifeste (AL 1, 1) : on ne peut appréhender – "connaître" – Dieu, dans Son mystère originel insondable (principe dit "de la Vache qui rit" : la remontée au Commencement n'a pas de Fin), que par Sa manifestation : l'univers phénoménal.
Et ne croyez pas, chère Sœur, qu'il s'agisse ici de ratiocinations sans prolongement pratique – Le principe On ne peut connaître Dieu que dans Sa manifestation est éminemment expérimental.
Par exemple, tout le monde croit que si je suis un religious nut, c'est parce que j'ai fait une "crise mystique" après avoir lu le Zohar – C'est faux – J'ai fait ma crise mystique à la prépuberté, le jour où ma cousine m'a montré ses seins.
De même, si je ne suis, – comme l'"experte psychologue" mandatée par le tribunal de Cusset me le reproche, – jamais effleuré par le doute en ce qui concerne Dieu, c'est grâce à la manière dont Il S'est révélé à moi :
J'étais, à l'époque, en classe de 1ère, et, ayant passé la nuit chez ma petite amie d'alors, – fille archi-BCBG de notables provinciaux, – j'étais tombé, filant à l'aube et à l'anglaise, sur la mère de ma dulcinée – Or, cette superbe femme, – type même de ce que, depuis, on a surnommé "MILF", – tint à me démontrer qu'elle était toujours "dans la course", en me faisant des avances effroyablement agressives.
Il va de soi que, stupéfait de ma bonne fortune, je me rendis instantanément à ses raisons – Et, à l'instant précis où, entreprenant de me démontrer à quel point elle suçait mieux que sa fille, cette beauté quadra me prit en bouche, je murmurai : "Dieu existe".
M'appeler "débauché mystique", comme l'a fait toute la presse, n'a, pour moi, aucun sens : j'ai résolu l'apparente contradiction entre mon impérieuse lubricité et mes très purs élans vers la transcendance – savez-vous comment ? – En entendant le chant d'un rossignol – Réaliser tout à coup que la divine harmonie manifestée par ce chant avait pour origine le mouvement du rut a solutionné ma vie.
Ne vous y trompez pas, chère Alice : cette idée de dépassement du binaire par l'attachement à Nuit est la clé de tout, comme il est écrit : < m'aimer vaut mieux que toutes choses > (AL 1, 61) – la reine Esther (litt. "Etoile") a l'accès – est l'accès – direct au Roi, et passe par-dessus le Grand Vizir Haman-Iznogoud, c'est-à-dire que Nuit est au-dessus du Démiurge, comme il est écrit < Above, the gemmed azure is > (AL 1, 14).
Dieu est inconnaissable, puisque Il est Nuit × Hadit, qui, tous les deux, sont < none > (AL 2, 66).
( Il est écrit : < Nos amours ont engendré le Père et Créateur de toutes choses > (Ara 6, 4), par référence au Soleil qui, en vertu de l'Arcane 666, est l'Unicité primordiale rendue visible – Or, le soleil est le dieu Heru-ra-ha, qui est le Puer Æternus, au sens jungien du terme – Ainsi, le Père de Tout est l'Enfant Eternel. )
Le Grand Vizir est le Démiurge, le dieu du Tanakh, appelé par moi "dieu des blaireaux" et, par les Egyptiens, Seth.
Le saint Mage Moïse, égyptien lui-même, et de souche royale, a, dans la Genèse, donné le nom de Seth au premier descendant viable d'Adam et Eve – Tout est dit : Nous autres, < servants of the Star & the Snake > (AL 2, 21), descendons d'Eve et du serpent, puisque nous descendons de Caïn, porteur de la Marque de la Bête et siégeant à l'Orient d'Eden – Par cette généalogie, nous allons, selon la Bible, à Hénoch, (litt. "Initié") – Au lieu que les Trogs vont à Seth, – au Démiurge qui gouverne les épargnants médiocres, les messieurs-tout-le-monde et les < crapulous creeds > (AL 3, 54), – en tant que descendants d'Adam.
C'est quotidiennement notre drame à tous, chère Alice, que < she shall be known & I never > : l'astrologie enseigne qu'un individu se ressent lui-même in petto comme son signe ascendant, mais que les autres le perçoivent comme son signe solaire.
D'où déchirement : la manifestation de moi < shall be known & I never >.
Exemple classique : un Cancer ascendant Lion se voit comme un roi "superbe et généreux", mais n'est vu par les autres que comme un crustacé, quand ce n'est pas comme une tumeur – il vit la définition sartrienne de l'enfer existentiel.
Personnellement, – Vierge ascendant Taureau – soit Frey déguisé en Wotan – je suis le roi Sardanapale que tout le monde prendrait pour Hannibal Lecter, et l'on peut résumer les débats de l'audience
de juillet à :
Sir Shumule : Mangez, buvez, faites l'amour : tout le reste est vanité.
Procureur : Il ose nous conseiller de manger de la chair humaine, de boire du sang, et de violer les cadavres encore chauds de nos victimes !!!
Méditez, chère Alice, la Mort de Sardanapale – l'Ami des Plaisirs, vulnérable à l'Amour, contre qui la plèbe se rebella parce qu'il n'avait fait que du bien à tout le monde au cours de son règne, qui fut une ère de Paix, d'Abondance et de Douceur de vivre – d'"Ordre et Beauté, Luxe, Calme et Volupté".
Ô gens du peuple ! Vous appelez "Grands" Alexandre, César, Napoléon et les Etats-Unis d'Amérique, parce qu'ils exterminent les innocents en masse, asservissent les nations libres et portent en tout lieu la Guerre, la Ruine et la Souffrance.
Si, en revanche, un roi fait exclusivement votre Bonheur, votre Tranquillité et votre Richesse, vous vous soulevez contre lui – teckels soudain pris de rage et cherchant à mordre leur maître – et l'acculez au suicide ! Sardanapale est mort du < vice des rois > (AL 2, 21).
C'est pourquoi, gens du peuple, il nous est commandé de vous fouler au pied – < piétinez les hommes inférieurs > (AL 2, 24), < Piétinez les Paysans > (AL 3, 11) – et pourquoi l'eudémonisme thélémite ne doit jamais nous faire oublier que nous sommes < contre le peuple > (AL 2, 25) et qu'il faut être intraitable (AL 3, 3), cruel même (AL 3, 18 ; 42), envers lui.
Peut-être "Sardanapale déguisé en Hannibal Lecter" est-il, au bout du compte, le Prince parfait dont rêva Machiavel en prison.
Ce que méditant, allez, chère Alice, sous la protection de cette sphère spirituelle dont le centre est partout et la circonférence nulle part et que nous appelons Dieu.
Love is the law, love under will.
– Sir Shumule, 13 août 2023 e.v.
Pour écrire à Sir Shumule:
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