MDR (Module De Respect)
À R.N.
« L'incarcération ne diffère pas tellement d'un mauvais trip
sous LSD : on s'écrie " Bon sang ! J'avais déjà vu ce genre
d'infortunées créatures dans les documentaires marins sur les
fonds abyssaux, les mélos du XIXe siècle et Tintin au Congo,
mais je ne pensais pas qu'elles existassent pour de vrai !!!
– C'est juste que c'est un peu long, pour un mauvais trip. »
– Sir Shumule, Les Loisirs de Sir Shumule : Journal de
Captivité, entrée du 27 octobre 2023 e.v.
« La notion de Diaspora est, paradoxalement, fondamentale
pour les Thélémites – Toute promulgation de la Loi de
Thélème se résume, en dernière analyse, à dire : "Nous sommes
là, et nous recherchons les nôtres." »
– Sir Shumule, Commentaire sur AL 1, 15 < They shall gather
my children into their fold >
« Un Evangéliste réunionnais vient de prêter au prince-prêtre
une édition bilingue du Coran : je ne comprends pas qu'autant
d'antithèses réunies dans un même chaudron n'aient pas fait
explosion ! »
– Sir Shumule, Les Loisirs de Sir Shumule : Journal de
Captivité, entrée du 25 octobre 2023 e.v.
Cara Soror Alice,
Do what thou wilt shall be the whole of the Law.
Sans doute serez-vous bien aise d'apprendre que j'emménage dans une division cellulaire appelée "Module de Respect", – ce qui sonne comme le titre d'un poème dada, – puisqu'il s'agit du quartier que l'administration de cette prison réserve aux détenus de bonne conduite.
Les horaires y sont libres (heureux horaires !), les cellules ouvertes durant la journée, et l'on bénéficie d'un libre accès (heureux accès !) à différents lieux d'activité (salle pouvant faire office d' Etude, salle de gym, etc.) – sans compter que j'ai désormais pour binôme le plus agréable des colocataires : au physique, une version glabre de Mario Bros ; au moral : gentil, calme, prévenant – oui ! en un siècle où il est malaisé de dire avec certitude si les bipèdes anthropomorphes que l'on croise sont des hommes ou des < Hell's own worms > incarnées (AL 2, 63), – et dans une Maison d'Arrêt sise au cœur du siècle en question, – j'ose affirmer que mon actuel codétenu appartient à l'ordre humain (un humain petit et rondouillard, bien sûr, puisque, quoi que je fasse, où que j'aille, je ne parviens pas à me dépêtrer du schéma Don Quichotte / Sancho Pança – mais un humain.)
Ma nouvelle cellule porte l'heureuse guématrie de 119, et Manu (mon merveilleusement serviable "co" s'appelle Manu, car il est portugais) y a stocké de quoi tenir plusieurs sièges successifs (il a même un lecteur dvd, mais Kim Kardashian Superstar ne passera jamais la fouille du courrier.)
Et, puisque nous tenons le Who's Who, ne le lâchons pas : j'ai récemment eu le bonheur de papoter, en visioconférence, avec l'écrivain ("écrivaine" n'est pas français) Laure Murat (état-civil ultra-français, en revanche : elle est une authentique et linéaire descendante du héros de la campagne d'Egypte, puis roi de Naples, Joachim "Epargnez le visage" Murat), auteur ("auteure" n'est pas français, "autrice" mérite des baffes) du livre Proust, un roman familial, – sorte d'autobiographie où elle présente son rapport à la Recherche du Temps Perdu comme un parcours initiatique, au sens presque Thélémite du terme, – et c'est intéressant dans son cas (lesbienne de choc issue de très haut parage : noblesse d'Empire [donc] par son père, fine fleur de l'aristocratie d'Ancien Régime par sa mère) – J'ajoute que Laure Murat est beaucoup moins woke qu'on pouvait le craindre, et que j'ai réussi à ne faire aucune allusion, même voilée, au goût de son auteur fétiche pour les rats s'entredévorant … C'est dire ! ( cf. Butt : Paisible entretien dans l'ombre de la nuit )
Très drôle, très goudou, très lettrée – très cool – mais qu'importe ? Ma voix pour le "Goncourt des Prisonniers" (objet de notre rencontre) lui était déjà acquise du fait de sa seule naissance – comme il est écrit : < the lords of the earth are our kinsfolk > (AL 2, 18).
J'ai également fait la connaissance du bibliothécaire de l'établissement qui se trouve être spirituellement évangéliste et temporellement réunionnais.
La première disputation religieuse que nous eûmes porta sur le Livre de Job, bien de circonstance, et, dans ce qui fut un tatillon pilpoul, – au sens ' yeshivah – polonaise – d'avant-guerre ' du terme, – j'ai prêché ce qui suit :
Job ( אִיּוֹב , guématrie 19, comme חַוָּה, Eve – est-ce à dire que nous qui " recherchons encore le paradis terrestre pour le rendre à notre mère Eve ", recherchons les Jours Anciens, – dans l'acception verlainienne, – pour les rendre à notre ami Job ?), Job, dis-je, est l'homme d'exception – d'où le fait que son Livre (archéologiquement, le plus vieux des manuscrits compilés dans la Torah) commence par le mot איש, qui signifie "un homme" et renvoie au Ecce Homo de Nietzsche et Ponce-Pilate.
Parfaitement accompli aux trois plans, – spirituel, psycho-affectif et matériel, – l'übermensch Job a oublié la loi d'impermanence – or, < if thou dost not this with thy will, then shall We do this despite thy will > (Cheth, 11) : il ne sert à rien de tenter de disculper Dieu : < this is the wrath of God, that these things should be thus. And this is the grace of God, that these things should be thus >, comme il est écrit (Cheth, 17-18) : le fait que Dieu et le Diable s'entendent pour accabler Job sans le moindre prétexte valable atteste que tout, dans ce texte, se situe par-delà le Bien et le Mal.
Si nous nous transportons du premier au troisième 6 du Nombre de l'Homme (!), l'analogie est claire : le Roi, sur le conseil d'un procureur général, a réduit le plus admirable de ses hauts fonctionnaires à la mendicité, juste pour voir sa réaction – il l'a fait for the lulz !
Job, c'est Tenjin (Sugawara no Michizane) avec, en plus, une épouse qui craint.
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« Ma première pensée, en entreprenant l'étude du Coran,
a été : "AL (Dieu) + LA (Rien) a pour guématrie
31+31= 62, soit le reflet, l'envers, l'opposé
symétrique de 26, qui est la guématrie du saint
Tétragramme – arcane dont Tsahal donne, ces jours-ci,
une illustration spectaculaire. " »
– Sir Shumule, Les Loisirs de Sir Shumule : Journal de
Captivité, entrée du 25 octobre 2023 e.v.
Un détenu, prénommé Mohamed, m'a remis, de la part du bibliothécaire de la prison, un exemplaire bilingue du Coran.
J'ai donc, en vertu du principe des Signatures (des Noms), reçu le Coran des mains même du Prophête de l'Islam ! (Vous savez, chère Alice, la place curieuse qu'occupe ce dernier en Thelema : nous le tenons pour l'un des plus grands Saints qui aient jamais paru dans le monde, bien que le Livre de la Loi réprouve violemment, et nommément, l'idole que les Musulmans fondamentalistes se font de ce Saint [ cf. AL 3, 52].)
Après avoir invoqué, j'ai donc, dans une intention bibliomancique, ouvert le Coran au hasard, et je suis tombé très précisément sur la phrase suivante : < Ô David, Nous avons fait de toi un calife sur la terre. > (Sourate 38, verset 26)
Du coup, j'étudie d'arrache-pied.
De façon générale, ma perspective sur l'Islam a toujours été ce shumulisme essentiel :
« < Glory to God, and Thanksgiving to God ! > (Ara 4, 1) : Gloire à Dieu et louange à Dieu pour le Dom Pérignon et le cuissot de sanglier sauce grand veneur, sans lesquels la lumineuse sagesse d'Ibn Arabî aurait fait de moi un Musulman depuis belle lurette ! »
(Sir Shumule)
Croyez-moi, c'est mieux comme ça : gourou charismatique un jour, gourou charismatique toujours – je l'ai dit, je le redis donc : si je me convertis à l'Islam, je refonde illico la Secte des Assassins.
Ce que méditant, allez, chère Alice, sous la protection de cette sphère spirituelle dont le centre est partout et la circonférence nulle part et que nous appelons Dieu.
Love is the law, love under will.
– Sir Shumule, 29 octobre 2023 e.v.
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