Seven
À Philippe Vaillant et son épouse,
en souvenir de sublimes journées
d'automne en leur château de
Magnac-Bourg, et de sublimes
journées d'été en leur villa de
Royan.
« Lorsque le Démiurge Saklas eut déclaré à
notre mère Eve : " Si tu manges de ce fruit,
tu mourras !", le serpent du Jardin des Délices,
Hadit notre Maître, murmura à l'oreille de la
Première femme : < Lift thine head ! breathe
not so deep – die ! > (AL 2, 68) ; ce que
commentant, je murmure, moi, en ton oreille :
Tu cherches l'attainment avec violence, mais
où le trouveras-tu sinon dans cette vie même ?
Il ne suffit pas de mourir, il faut mourir sans
haine – en souriant. Tu vois bien que la mort
n'est pas sérieuse, la mort d'un être n'est rien :
crains-tu le néant qui n'est pas ? Dénoue ce
ressentiment contre le temps, il a repris ce qu'il
avait donné. Rien ne t'appartient – parfaite
liberté. De ton ermitage (abbaye, château, villa,
gîte, cellule de prison, que sais-je ?), tu peux jeter
un long regard plein d'humour sur les < dangers et
tribulations (AL 3, 11) de ton passé : évoque-le
pour lui donner congé, comme il est écrit : < Je
suis le Magicien et l'Exorciste > (AL 2, 7) – Si l'on
n'apprend à en sourire, comment se sentir délivré ?
Et sois dévote, si cela te plaît. »
– Sir Shumule, Lettre à Soror Abigaïl Awân,
2 octobre 2023 e.v.
Cara Soror Alice,
Do what thou wilt shall be the whole of the Law.
Et, à l'instar de votre vieux Sir, do it for the lulz.
Voulez-vous rire ? – On vient de me notifier une nouvelle plainte portée contre moi pour (je cite) « outrage à un représentant de l'autorité publique – C'est la septième plainte de cet ordre qu'inspire ma production littéraire en moins de six mois – et je publie déjà depuis une prison ! :)
Avouez tout de même … :)
Tel est le < leaping laughter > promis par le Serpent notre Maître (AL 2, 20) : Pour le Thélémite, même dans le dernier cercle de l'enfer (où je me trouve villégiaturer depuis avril), le lulz ne perd jamais ses droits …
Sept plaintes ! … Sept plaintes, par la Sainte Stèle ! … Je suis probablement dores et déjà éligible pour le Guiness ! Renseignez-vous ! :)
NB : Il semble que cette septième protestation émane de la très tarte Sandrine "Daddy Issues" Simon, officier de l'OCRVP, qui, l'an passé, m'entendit en garde à vue, et me déclara notamment : « Vous et votre fille Clothilde, qui est magnifique et très brillante, vous aimez éperdument l'un l'autre; mon père ne m'a jamais accordé la moindre attention car il me jugeait laide et insignifiante; vous allez me payer ça. »
NB2 : En revanche, contrairement à l'idée généralement répandue, la forme de la bouche de Sandrine Simon n'évoque pas, à proprement parler, ce qu'il est convenu d'appeler une « bouche à pipes » – la forme de la bouche de Sandrine Simon donne l'impression que celle-ci se nourrit exclusivement de cintres.
Mais baste ! C'est vendredi soir, et comme chaque vendredi soir (où, afin de finir aussi tôt que possible ce qui lui tient lieu de semaine, le personnel pénitentiaire se dispense systématiquement de distribuer le courrier aux détenus), le surveillant d'astreinte (en l'occurrence un plouc adipeux, genre badaud à la grand' ville, l'œil littéralement stupide, c'est-à-dire simultanément et en toute circonstance à la fois idiot et stupéfait), physiquement et moralement le type même du garde-chiourme, vient de signifier à toute la coursive que "Ah bah non … Ya pas d'courrier … Faudre attend' lundi …" – Formule rituelle d'entrée dans Chabbat à la maison d'arrêt de Moulins-Yzeure.
Eh bien ! chère Alice, ne lisez pas Foucault plus avant : Tout l'univers carcéral est résumé dans cette scène hebdomadaire : la prison n'a en réalité, rien d'effroyable – elle est juste nulle, moche et con.
M'y retrouver brusquement, à cinquante ans passés, moi envers qui la divinité suprême a toujours fait preuve d'une indulgence coupable ! – moi, le chouchou de Nuit, l'enfant gâté de Babalon ! – moi dont la trajectoire ne fut qu' "ordre et beauté, luxe, calme et volupté" ou, plus religieusement : < Beauté et force, éclat de rire et délicieuse langueur > (AL 2, 20) < dans des lits de pourpre, caressé par de magnifiques femmes bestiales aux membres forts, avec du feu et de la lumière dans leurs yeux, et des masses de cheveux flamboyants autour d'elles > (AL 2, 24), là où < the guests dally upon couches of mother-of-pearl in the garden ; the noise of the foolish men is hidden from them . > (Cordis 4, 13) ! – me retrouver brusquement en prison, dis-je, équivaut à me réveiller à côté de Sandrine Simon après m'être endormi avec Kim Kardashian !
Comprenez, chère Alice : comme je l'ai souvent dit : le monde est à l'image du Limousin – très beau, mais peuplé de zombies – La prison, en revanche, est à l'image de la ville de Guéret – nulle, moche et con, mais quand même peuplée de zombies.
[ Vous me direz : " Et Surveillante-Crush, alors ?! " – Hélas ! S-C ne m'a fait les yeux (transpercé de son regard qui semble dire : " Je connais tes secrets les plus inavouables et je les désapprouve tous ", après quoi j'espère toujours qu'elle ajoute à haute voix : " D'ailleurs, habille-toi. Nous dînons tous les deux ce soir. Dépêche. Tu mets le voyant quand tu es prêt."), elle ne m'a dis-je, fait les yeux qu'une seule fois cette semaine ! :, ( ]
Hier, à titre de compensation, j'ai bénéficié d'un entretien avec la psychologue de l'établissement.
Psychologue de la Maison d'Arrêt de Moulins-Yzeure : Sept plaintes ?!? … Mais vous êtes complètement barge !!! … Vous kiffez (sic) la prison, ou quoi ?!? …
Sir Shumule : Certes, non ! … Pour tout vous dire, je trouve que la plaisanterie a assez duré : j'aimerais vraiment que cet interminable épisode surréaliste s'achève, et que la vie reprenne un cours normal : Messes Gnostiques en mood Eyes Wide Shut avec Prêtresse sosie d'Autumn Falls, cocaïne péruvienne sniffée sur les seins de stripeuses, luxe effréné, somptueux festins, capiteux cocktails et Thébaïde à la Des Esseintes – Nor-mal !
PMAMY : Mais enfin – sept plaintes … Comment croyez-vous que ça va finir ?! …
SS : Finir ? Oh ! J'ai toujours dit que j'aimerais mieux mourir d'épectase – la mort du Régent, du Président Félix Faure, du cardinal Daniélou – ou alors à 170 ans, tendrement choyé par mes proches –ou bien mourir d'épectase à 170 ans parce qu'une de mes proches m'a choyé un peu trop tendrement.
PMAMY : Ça n'en prend guère le chemin ! … Sept plaintes ! … C'est le problème avec vous, les gens à Complexe d'Icare – ou de Lucifer : vous vous en tamponnez de finir au bûcher (ou dans un bunker enfumé au milieu de Berlin en ruine, du reste …), tant que le voyage a été Mehr Licht et lulzy :
"Ma chandelle brûle par les deux bouts, elle ne passera pas la nuit … Mais, ah ! mes amis ! et, oh ! mes ennemis … que sa lumière est belle …"
SS : C'est furieusement thélémite : < exceed ! exceed ! Strive ever to more ! and if thou art truly mine – and doubt it not, an if thou art ever joyous ! – death is the crown of all. > (AL 2, 71-72) – Tel Icare, en effet, celui qui vise au plus haut peut consentir à l' abîme qui l'attend – le Serpent notre Maître dit en substance : tout est permis à qui ose en mourir.
Ce matin, pour faire bonne mesure, j'ai papoté avec un addictologue – Homme étonnamment intelligent pour un non-buveur, – il a lu l'essentiel des articles à sensation publiés contre moi dans la presse, et parfaitement compris – chose rare – le caractère sybaritisme-fait-religion / dandysme-fait-Voie de Théléma.
Sir Shumule : Le dieu – disons – central de cette Voie est appelé Hadit – c'est le Nahash, le Serpent de la Connaissance qui tenta Eve au Jardin d'Eden et délivra de son chagrin le Petit Prince de Saint-Exupéry.
Addictologue : Donc, vous vous sentez chassé du Paradis, et songez au suicide … Les dieux de Thélème vous ont abandonné ?
SS : Non, ils m'ont châtié, c'est-à-dire exaucé, comme il est écrit < Whom I love I chastise with many rods > (A'ash, 27) – Voyez : il est dit que Dieu, se repentant d'avoir crée l'homme, entreprit jadis de le noyer dans un Déluge – Passé cette purge, Il décida de le laisser vivre – et, depuis, Il demande aux Thélémites de lui prouver, chaque jour, qu'Il a bien fait de créer l'homme – c'est une question très importante pour Dieu – et comme, ainsi que l'a dit un de nos grands Sages, Marcello Ramos Motta, < c'est nous, les hommes : en dehors de nous, il n'y a que des singes et la créature aveugle de la fange >, nous seuls pouvons lui répondre – Tout le discours de Nuit (la déesse du Ciel, épouse de Hadit) dans le Livre de la Loi peut se résumer à une gigantesque injonction à démontrer à l'univers que l'homme est un chef-d'œuvre – Pour moi, j'ai trop enseigné, et trop écrit, et trop dit dans mon Oraison, que les gens ne valaient rien et qu'il faudrait un nouveau Déluge, définitif cette fois : du coup, je me retrouve "Astre brillant, fils de l'aurore" plongé au fond des eaux et exclusivement environné de créatures abyssales : j'ai eu mon Déluge pour moi tout seul, et donnerais cher pour me trouver à nouveau entouré d'êtres classés dans la catégorie "humain" – Be careful what you wish for, 'cos you just might get it, comme disait Nicole Schwerzinger (très bel avatar de Nuit).
A : Et les pensées suicidaires ? …
SS : Hadit enseigne : < Ne sois pas animal : raffine ton ravissement ! Si tu bois, bois par les quatre-vingt dix-huit règles de l'art > (ce qui ne peut manquer d'interpeller un addictologue) et : < si tu aimes, excède en délicatesse : et si tu fais quoi que ce soit de joyeux, qu'il y ait de la subtilité en cela ! > (AL 2, 70) – Mais aussi : < ne respire pas si profondément – meurs ! > (AL 2, 68) – En somme, le savoir-vivre et le savoir-mourir : cela, chez nous, se sait à la naissance.
A : Les Thélémites sont donc un peuple biologique ? Bien sûr, cela expliquerait votre résistance bachique surnaturelle …
SS : C'est ce qui est écrit : < toi, ô mon peuple ! >, s'écrit Hadit, avant de nous prescrire, comme ascèse quotidienne et perpétuelle, la fête tout le jour, l'amour toute la nuit (AL 2, 34, etc.).
A : Mais ça, c'est vouloir vivre !
SS : Oui – Hadit précise : < je suis la Vie, et celui qui donne la Vie, or, par conséquent, me connaître, c'est connaître la mort > (AL 2, 68) – La Parole < breathe not so deep - die ! > (AL 2, 68) nous enseigne le tempestiva mors, l'art de savoir mourir à temps, que les Romains louaient tant chez leurs grands hommes – Inspirateur des poètes (AL 3, 40), c'est Hadit qui a soufflé à Fersen l'un de ses vers les plus sublimes : "Il faut savoir mourir avant la fin du rêve."
A : Donc, les Thélémites sont un peuple ?
SS : Oui. Il est dit qu'on n'est pas Thélémite parce qu'on accepte la Loi de Thélème, mais qu'on accepte la Loi de Thélème parce qu'on est Thélémite – Et il est écrit : < this matter toucheth the mystery of Incarnation and is not there to be declared > (Magi, 14).
A : Oui, enfin, le souverain, l'empereur, que dis-je ? le Pharaon de votre panthéon est Horus (Rê-Horakty, aka Ra-Hoor-Khuit, pour être précis) ! C'est égyptien ! Et quel sens a de vénérer un dieu à tête de faucon ? ...
SS : RHK se présente avec une tête de faucon, parce que le souverain ne doit pas descendre au rang d'un être humain – Il est écrit : < ye shall be as ye are, & not other. Therefore the kings of the earth shall be Kings for ever : the slaves shall serve. There is none that shall be cast down or lifted up > (AL 2, 58) – ce qui renvoie au vers de Fersen.
A : Donc, à la mort …
SS : Il est écrit : < Il n'y a de mort que pour les chiens > (AL 2, 45) – Les Heathen n'ont pas une grande intelligence et laissent les choses suivre leur cours naturel (cf. Atu XIII du Tarot, La Mort), puis le monde et ses difficultés finissent par les tuer – Mais les Thélémites ne se satisfont pas d'une mort à petit feu sous les méchancetés du monde – Ils méditent sur les modalités de leur mort, et après une longue délibération, ont une idée originale – Je peux donc assurer que, dans le nouvel Æon, la tendance générale sera à l'augmentation des suicides, et que ceux qui se suicideront quitteront ce monde d'une façon qui porte leur marque personnelle – tout cela est le sens de < thy death shall be lovely : whoso sees it shall be glad. Thy death shall be the seal of the promise of our agelong love > (AL 2, 66).
A : La vie va devenir effrayante …
SS : Au contraire – La promulgation de la Loi de Thélème va déclencher des effets grandioses : les malvenus, détrompés de leurs illusions consolantes, vont se précipiter dans le néant par dégoût d'eux-mêmes (cf. Tzaddi, 25-26) – et le monde trog d'esclaves sans maîtres qu'est le < vieux pays gris > (la société post-chrétienne) se transformera, par ce délestage, en un monde nouveau de maîtres sans esclaves : le pays de Thélème – Après quoi, la faiblesse étant effacée, le désespoir étant consommé, la seule forme de suicide qui subsistera encore sera la libre fête d'adieu à la vie – < a greater feast >, indeed !
A : Quel rapport avec ce que vous vivez depuis l'année dernière ?
SS : Voyez : l'impermanence universelle est la divinité (cf. L'Automne, déjà ) – Que dis-je ? L'impermanence universelle est la divinité séminale, Hadit, le "vieux dieu", le Serpent notre Maître – Or, le 5 avril 2022 e.v., le Serpent notre Maître, qui ne compose des formes que pour les effacer – ainsi qu'il est écrit : < Je suis le Magicien et l'Exorciste > (AL 2, 7) – a murmuré à mon oreille le dernier mot de son amère sagesse : sache mourir.
Ce que méditant, allez, chère Alice, sous la protection de cette sphère spirituelle dont le centre est partout et la circonférence nulle part et que nous appelons Dieu.
Love is the law, love under will.
– Sir Shumule, 7 octobre 2023 e.v.
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